Créé à l'initiative de Julia Kristeva à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir (1908-2008), le Prix « Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes » se propose de récompenser l’œuvre et l’action exceptionnelles de femmes et d’hommes qui, dans l’esprit de Simone de Beauvoir, contribuent à promouvoir la liberté des femmes dans le monde. Financé par Culture-France et les éditions Gallimard, le Prix « Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes » sera décerné chaque année à des lauréat(e)s élu(e)s par un jury international.
- En rappelant que Simone de Beauvoir a ouvert une nouvelle étape dans le combat des femmes pour leur émancipation : « On ne naît pas femme : on le devient » ; « Comment, dans la condition féminine, peut s’accomplir un être humain ? Nous intéressant aux chances de l’individu, nous ne définirons pas ces chances en termes de bonheur, mais en termes de liberté» (Le Deuxième Sexe) ;
- En considérant que divers obscurantismes continuent à exploiter la misère économique et les conflits politiques pour opprimer et persécuter tout particulièrement les femmes, en dépit et à l’encontre des avancées considérables obtenues grâce aux luttes des femmes, avec et après Simone de Beauvoir ;
- En s’inspirant de la pensée de l’écrivain philosophe, dont l’œuvre soutient encore aujourd’hui l’espoir de nombreuses femmes éprises de liberté, et la résistance au terrorisme économique, politique et religieux sous toutes ses formes et sur tous les continents : « La fin suprême que l’homme doit viser, c’est la liberté, seule capable de fonder la valeur de toute fin. La liberté ne sera jamais donnée, mais toujours à conquérir. » (Pour une morale de l’ambiguïté). « Nous sommes libres de transcender toute transcendance, nous pouvons toujours nous échapper « ailleurs », mais cet ailleurs est encore quelque part, au sein de notre condition humaine ; nous ne lui échappons jamais et nous n’avons aucun moyen de l’envisager du dehors pour la juger. Elle seule rend possible la parole. » (Pyrrhus et Cinéas) ; « Il n’y avait plus de Dieu pour m’aimer, mais je brûlerais dans des millions de cœurs. En écrivant une œuvre nourrie de mon histoire, je me créerai moi-même à neuf et je justifierais mon existence » (Mémoires d’une jeune fille rangée) ;
Le Jury décerne pour la première fois le Prix « Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes » à deux femmes :
Madame Ayaan Hirsi Ali
Née en Ethiopie en 1969, exilée au Pays Bas, Ayaan Hirsi Ali est une femme politique néerlandaise. Elue au Parlement en 2003 comme membre du Parti populaire libéral et démocrate, elle a fait adopter une proposition de loi réprimant sévèrement la pratique de l'excision. Elle est l’auteur de nombreux articles dénonçant les dangers du communautarisme, qu'elle considère comme un obstacle à l'intégration, et réclame pour l'islam d'Europe une période des « Lumières ». Ayaan Hirsi Ali se définit souvent comme un « Voltaire noire », par référence à l’écrivain français fustigeant le cléricalisme, tant chrétien que musulman.
C'est sous protection policière qu'elle a fait publier son livre Zoontjesfabriek, traduit en français sous le titre L’Insoumise, qui lui a valu de nombreuses menaces de mort à cause de ses critiques lucides des relations homme/femme dans la religion musulmane. En réclamant pour l’islam d’Europe « une période de Lumières », Ayaan Hirsi Ali lance un appel aux démocraties européennes, dont la vocation devraient être de garantir la liberté de vivre et de pensée des femmes, quelle que soit leur origine.
Parmi ses ouvrages parus en français, L’insoumise (2005-2006) et Ma vie rebelle (2006) témoignent avec force du combat d’une femme passionnément engagée en faveur d’une interaction effective entre les femmes issues de l’immigration, en particulier musulmane, et la société européenne.
Et à :
Madame Taslima Nasreen
Née au Bengladesh en 1962, d’abord médecin gynécologue exerçant dans un hôpital public, puis écrivain, Taslima Nasreen est menacée par les fondamentalistes islamiques à la suite de la publication de son premier roman Lajja (La Honte), qui dénonce l’oppression dans laquelle vit la communauté indoue au Bengladesh. La qualité de son œuvre lui vaut d’être propulsée sur le devant de la scène littéraire progressiste au Bangladesh et en Inde. Elle reçoit des prix prestigieux, parmi lesquels le Prix « Saharov pour la liberté de pensée », décerné par le Parlement européen en 1994, tandis que des fondamentalistes brûlent ses livres et réclament sa pendaison. Taslima Nasreen est obligée de s’exiler en Suède, puis à Berlin, Stockholm, New York, et enfin à Kolkata au Bengale, où elle tente d’obtenir la nationalité indienne. Sa vie ayant été mise à prix par un groupe islamiste indien, elle est actuellement protégée par le gouvernement indien. Ses livres traduits en français : La Honte (1994), Lieux et non lieux de l’imaginaire (1994), Femmes, manifestez-vous ! (1994), L’autre vie : poèmes (1995), Un retour : suivi de Scènes de mariage, récits (1995), l’Alternative, suivi de Un destin de femme : récits (1997), Enfance, au féminin (1998), Femmes : poèmes d’amour et de combat (2002), Vent et rafales, récit (2003), confirment le talent engagé et la détermination humaniste d’une femme pour laquelle la liberté reste, comme l’a écrit Simone de Beauvoir, la fin et le moyen toujours à conquérir ».
En reconnaissant et en récompensant l’audace et l’originalité de pensée dont témoignent l’œuvre et l’action d’Ayaan Hirsi Ali et de Taslima Nasreen, dans le combat pour la liberté de conscience et d’expression, le jury du Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes entend contribuer à mobiliser la solidarité internationale, pour réaffirmer le droit des femmes, garantir la protection de celles qui luttent aujourd’hui au risque de leurs vies, et défendre à leurs côtés les idéaux d’égalité et de paix.